Auteurs : Nathalie Picarelli, Fiseha Haile Gebregziabher, Markus Kitzmuller, Amina Coulibaly
Organisation affiliée : Banque mondiale
Type de publication : Article
Date de publication : Décembre 2022
Lien vers le document original
*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
La productivité est le principal moteur de la croissance économique. Ainsi, près de la moitié de la différence de revenu par habitant d’un pays à l’autre s’explique par les différences de productivité globale des facteurs (PGF). La création d’emplois plus productifs joue un rôle central pour une croissance inclusive soutenue en Afrique subsaharienne (ASS).
Alors que le pays devrait voir doubler son PIB par habitant d’ici 2030, comment la récente accélération de la croissance – qui a été qualifiée de “second miracle ivoirien” peut-elle se maintenir ?
Créer des emplois dans les secteurs à forte productivité
La productivité globale des facteurs (PGF) a récemment joué un rôle moteur dans la croissance ivoirienne : entre 2012 et 2018, elle a contribué à hauteur de 3,7 points de pourcentage à la croissance du pays, par rapport à – 0,2 pp au cours de la décennie précédente. Cependant, ces gains reflètent en partie une meilleure utilisation du capital existant dans la période d’après crise (FMI 2016), et sa contribution à la croissance est en baisse depuis 2015. La productivité du travail affiche une tendance similaire. Si elle a crû en moyenne plus rapidement depuis 2012 que pour les pays comparables de la région, elle reste en deçà des niveaux enregistrés dans les années 1970 et son taux de croissance a également ralenti depuis 2015.
Le niveau d’éducation est plus faible dans les zones rurales, ce qui limite la capacité des agriculteurs à gérer la complexité croissante de la production et des marchés agricoles, particulièrement dans le contexte de menaces croissantes liées au changement climatique. Si les capacités de recherche se sont développées, les dépenses en recherche et développement agricole ont stagné
Ces tendances reflètent les changements limités dans la structure de l’économie ivoirienne, malgré les évolutions considérables observées dans l’emploi sectoriel au cours des dix dernières années. La part de l’agriculture dans l’emploi total a ainsi chuté, passant de 60 % en 2008 à environ 48 % en 2018. Néanmoins, l’essentiel des emplois perdus dans l’agriculture se sont reportés vers des activités à faible productivité. En fait, les niveaux de productivité du travail sont les plus faibles dans l’agriculture et le commerce informel, secteurs qui offrent le plus grand nombre d’emploi. En revanche, la structure de la production n’a que faiblement évolué : si la part des services a augmenté, celle de l’agriculture reste importante et celle de l’industrie a baissé.
Améliorer l’utilisation efficiente des ressources est essentiel pour stimuler la productivité
La dynamique des entreprises ivoiriennes dans les secteurs des services et de l’industrie suggère que la plupart des gains de productivité ont été des gains intra-sectoriels et non à travers divers secteurs ou différentes entreprises. Cette tendance implique d’une part une inefficience dans l’affectation des ressources qui empêche peut-être leur circulation d’une société moins productive vers d’autres plus productives ; ou/et d’autre part que ce manque d’efficacité pourrait résulter de différences de technologie, de qualité, de marges et de différents niveaux d’expérimentation. Le Mémorandum conclut que les secteurs non-manufacturiers présentent la plus grande marge d’amélioration de la productivité par le biais de l’affectation des ressources. Dans le secteur du commerce de détail, par exemple, la réallocation pourrait augmenter la productivité jusqu’à 200 %.
Correa, Cusolito et Pena (2019) ont montré que dans les économies en développement, l’amélioration de la concurrence sur le marché des produits pourrait être le facteur essentiel dans la réduction de l’inefficience dans la répartition des ressources. Cependant, la concurrence est perçue comme faible sur les marchés de Côte d’Ivoire.
Augmenter la productivité agricole reste une priorité pour sortir la population de la pauvreté
L’augmentation de la productivité agricole est essentielle pour promouvoir une croissance inclusive et accélérer la réduction de la pauvreté. Dans l’ensemble, le modèle agricole ivoirien caractérisé par une forte intensité de main d’œuvre, une dotation en capital et une utilisation des technologies limitées, n’est pas efficient. Le CEM conclut que la productivité du travail est bien supérieure pour les emplois non-agricoles dans les zones urbaines, et que, dans le secteur agricole, les ménages les plus productifs sont dix fois plus productifs que les moins performants.
Le niveau d’éducation est plus faible dans les zones rurales, ce qui limite la capacité des agriculteurs à gérer la complexité croissante de la production et des marchés agricoles, particulièrement dans le contexte de menaces croissantes liées au changement climatique. Si les capacités de recherche se sont développées, les dépenses en recherche et développement agricole ont stagné. L’écart entre les sexes est par ailleurs important : les ménages dirigés par un homme ont tendance à être plus productifs que ceux dirigés par une femme. En effet, les femmes ont un moindre niveau d’éducation, un moindre accès au régime foncier et un accès encore plus limité au financement.
Comment accélérer la croissance de la productivité à moyen terme ?
- Augmenter la concurrence dans des secteurs clés, comme les télécommunications. Le gouvernement ivoirien a récemment conduit des réformes pour réduire le coût des télécommunications mobiles. Il a, par exemple, réformé les tarifs d’appel en 2020, les divisant pratiquement par trois, ce qui devrait réduire le coût pour les usagers. Le gouvernement envisage également une revue du mécanisme de fixation des prix des USSD pour développer le secteur fintech.
- Améliorer la régulation de l’industrie du transport pour réduire les principaux coûts de production. La nouvelle Autorité de régulation du transport intérieur (ARTI) pourrait accroître l’accès au marché du transport – si on lui accorde la pleine responsabilité – en régulant l’affectation du fret et en créant l’espace pour permettre aux opérateurs professionnels d’accéder au marché local. Ces mesures seraient cruciales en vue de renforcer l’intégration régionale et la dynamique des échanges.
- Améliorer les intrants et réduire l’inégalité d’accès aux ressources pour améliorer la productivité agricole. L’accès aux services financiers, y compris à l’assurance, est nécessaire. Combler l’écart entre les hommes et les femmes en matière d’accès aux terres et au crédit pourrait diminuer l’écart de productivité entre les sexes. Le renforcement des capacités et du capital humain des agriculteurs – collecte des données et suivi de la production agricole ; compétences liées à la technologie et à la gestion – associé au développement d’activités de transformation peuvent créer des emplois non agricoles à plus forte valeur ajoutée.
Commenter