Femmes et participation politique en Côte d’Ivoire : impact des organisations féministes, Revue africaine d’anthropologie, 2018

Femmes et participation politique en Côte d’Ivoire : impact des organisations féministes, Revue africaine d’anthropologie, 2018

Auteurs : DOUGAN Salia, ASSOUAN THIA Aline, YORO Blé Marcel

Organisation affiliée : Revue Africaine d’anthropologie

Type de publication : Article

Date de publication : 2018

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Introduction

La participation politique constitue le fondement même de la démocratie. Par l’élargissement du suffrage universel à tous et son organisation juridique, elle permet de mobiliser la participation des citoyens et donne ainsi à la démocratie sa véritable légitimité. En Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier, d’un point de vue idéologique, la politique est construite comme une activité dont l’exercice est réservé aux hommes. Cette construction idéologique a participé à l’éloignement des femmes de la sphère politique.

Le domaine spécifique de la politique constitue l’un des centres d’intérêt majeurs des luttes féministes en Côte d’Ivoire depuis une quinzaine d’années. Cela eu égard à la multiplication du nombre d’associations féministes et de plaidoyers en faveur d’une plus grande intégration des femmes dans ce domaine. Cependant, malgré la mise en place de nombreux instruments en faveur de la promotion de la femme aux postes de décision, celle-ci tarde.

Résultats et Discussion

L’analyse des données montre que l’impact des activités des organisations féministes sur le niveau de participation politique des femmes ivoiriennes est subordonné à plusieurs facteurs, à savoir : l’organisation d’actions directes sur le terrain, l’adhésion des partis politiques et le nombre d’organisations investissant le domaine politique.

Les actions de terrain comme principaux moyens de mobilisation des femmes

Au nombre de ces actions, citons les campagnes de sensibilisation destinées non seulement aux femmes, aux autorités administratives et politiques, aux leaders communautaires et décideurs mais aussi et surtout aux hommes à travers des plaidoyers et des formations.

Ces campagnes avaient pour objectifs « d’emmener les femmes à avoir confiance en elles et à s’impliquer en politique » selon les dires d’une responsable de la CFeLCI et « à assumer leur leadership » selon une autre de l’OFACI. Ces activités ont permis de montrer aux autorités administratives et politiques, aux leaders communautaires et aux décideurs la nécessité de prendre en compte le genre dans leurs différentes actions.

L’organisation d’actions directes sur le terrain, l’adhésion des partis politiques et le nombre d’organisations investissant le domaine politique

Si les actions de terrain ont produit des effets probants, notons cependant que la participation des femmes à la politique reste grandement influencée par l’adhésion des premiers acteurs de ce domaine, à savoir les partis politiques.

Les partis politiques comme acteurs privilégiés de la participation politique féminine

La faible présence des femmes dans la sphère politique trouve son explication dans le fait que les premiers acteurs de ce domaine, c’est-à-dire les partis politiques ne facilitent pas leur intégration participative. Bien qu’ils soient dans leur majorité dotés de textes qui garantissent l’ouverture de toutes leurs instances aux femmes, force est de constater que ces promesses ne sont plus les mêmes lors des primaires ou de l’alignement de candidats dans des listes.

A partir de l’année 2009, des campagnes de sensibilisation furent engagées par la CFeLCI auprès de tous les partis politiques de Côte d’Ivoire d’abord en vue de leur montrer l’importance des femmes, ensuite de faire prendre conscience à ces dernières de leur poids décisionnel au sein de leurs partis respectifs et enfin de promouvoir l’équité dans les partis.

La faible présence des femmes dans la sphère politique trouve son explication dans le fait que les premiers acteurs de ce domaine, c’est-à-dire les partis politiques ne facilitent pas leur intégration participative

Les actions entreprises par les organisations féministes, tant auprès des populations que des partis politiques, conjuguées à l’octroi par l’actuel Président de la République de la somme de un million de francs CFA à chaque candidate en vue de la campagne électorale y ont sûrement été pour beaucoup.

Ces approches ont tendu « à dépolitiser la problématique de la participation féminine au développement et à faire du genre une question de planification et de suivi du développement tout en voilant les relations de pouvoir ».

La participation politique féminine influencée par le nombre et les moyens limités des organisations féministes œuvrant dans le champ politique

Il ressort clairement de notre étude que seules deux (2) organisations féministes se sont véritablement investies dans la lutte pour l’émergence des femmes ivoiriennes en politique, à savoir la CFeLCI et l’OFACI. Ainsi, la majorité des organisations féministes préfèrent se consacrer à l’amélioration des conditions de vie et de santé des femmes en se fondant sur le caractère apolitique qui les régit toutes. Cet état de fait vérifie la position de K. Adjamagbo Johnson, qui s’insurge devant le fait que la plupart des ONG féminines préfèrent « se réfugier derrière un apolitisme de bon aloi afin d’éviter d’aborder la question des droits politiques de la femme ».

Cette faible présence des associations féministes dans le champ politique explique en grande partie la faible évolution de la participation des femmes à la gestion de la chose publique.

L’insuffisance des ressources financières des organisations féministes, additionnée aux pressions de leurs partenaires limitent la portée de leurs actions ou alors les détournent un tant soit peu de leurs objectifs réels.

Conclusion

Nos résultats ont montré que par leurs actions, les organisations féministes ont réussi à augmenter l’intérêt des femmes sur les questions relatives à la gestion de la cité. Nous avons pu tirer à travers les données de terrain qu’en plus de la formation, ces organisations ont permis aux populations féminines de se rendre compte de leurs aptitudes politiques. Elles ont également montré aux partis politiques la nécessité d’intégrer les femmes dans la prise de décision.

Cependant, leurs gains auraient été plus nets si elles avaient été plus nombreuses à investir le champ politique. Il importe maintenant d’investiguer quant au phénomène associatif féminin tant du point de vue des obstacles structurels auxquels les organisations féministes sont confrontées, que du point de vue de l’adhésion des femmes aux idéaux promus par les organisations féministes.

 

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