En Côte d’Ivoire, la situation politique mine le niveau sécuritaire, Afrobarometer, Mars 2021

En Côte d’Ivoire, la situation politique mine le niveau sécuritaire, Afrobarometer, Mars 2021

Auteurs : Pétanhangui Arnaud Yéo, Kaphalo Ségorbah Silwé, Joseph Koné

Organisations affiliées : Afrobarometer, Centre de Recherche et de Formation sur le Développement Intégré (CREFDI)

Site de publication : afrobarometer.org

Type de publication : Note de politique

Date de publication : Mars 2021 

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


 

Au sortir de la crise post-électorale que la Côte d’Ivoire a connue en 2010, ses institutions de sécurité nationale n’avaient plus les capacités structurelles et humaines nécessaires pour assurer non seulement la protection adéquate des citoyens, mais aussi la paix et la réconciliation nationale.

La Côte d’Ivoire est classée 132e sur 167 pays d’après le sous-indice de sécurité et sûreté du Legatum Prosperity Index (Legatum Institute, 2019), qui utilise comme indicateurs les guerres et conflits civils, le terrorisme, la terreur et la violence politique, les crimes violents, et les crimes liés à la propriété. À la lumière des données des enquêtes Afrobarometer, nous observons que l’épineux problème de l’insécurité représente pour de nombreux Ivoiriens une question irrésolue.

Un sentiment d’insécurité en progression

Les données traduisent dans un sens une détérioration du climat sécuritaire. La proportion de ceux qui disent s’être sentis en insécurité dans leur quartier « juste une ou deux fois »,

« quelques fois », « plusieurs fois », ou « toujours » au cours de l’année précédant l’enquête est en augmentation de 13 points de pourcentage entre 2014 (36%) et 2019 (49%).

D’un point de vue socio-démographique, il ressort que les ruraux sont plus susceptibles de se sentir en sécurité que les citadins: 60% déclarent ne s’être « jamais » sentis en insécurité en milieu rural, contre 44% en ville. Sur 18 pays africains enquêtés en 2019/2020, la Côte d’Ivoire (51%) est en dessous de la moyenne (53%) en termes de proportion de citoyens ne s’étant « jamais » sentis en insécurité dans leurs quartiers.

Un manque de confiance aux Forces de Défense et de Sécurité  

La sécurité d’un pays est liée au professionnalisme des Forces de Défense et de Sécurité, qui ont pour missions la lutte contre la criminalité et la prévention et résolution des conflits violents. Ainsi, l’on s’attend à ce qu’elles soient bien perçues des citoyens et bénéficient d’un bon niveau de confiance.

Au rang des critiques qui sont régulièrement formulées à l’encontre des Forces de Défense et de Sécurité figure la corruption

En 2019, 55% des citoyens ne font « pas du tout » ou « juste un peu » confiance aux Forces Armées et à la police/gendarmerie.

Au rang des critiques qui sont régulièrement formulées à l’encontre des Forces de Défense et de Sécurité figure la corruption. Par exemple, 58% des Ivoiriens estiment que « la plupart » ou « tous » les policiers ou gendarmes sont impliqués dans des actes de corruption, un accroissement de 21 points de pourcentage depuis 2013. Un autre fait qui entrave la confiance pourrait être la difficulté d’obtenir l’assistance de la police.

La situation de la criminalité en Côte d’Ivoire

La criminalité se définie comme un ensemble d’actes criminels et délictueux. Les agressions physiques ou à main armée, les vols, les meurtres, et les viols en sont ses illustrations courantes dans les communautés (Overseas Security Advisory Council, 2020).

D’après les analyses, plus d’un quart de la population (27%) reconnaissent avoir craint, au cours de l’année écoulée, de subir un crime dans leur maison, une proportion qui était de 20% en 2014 et 23% en 2017. En plus, une majorité (56%) d’Ivoiriens jugent « plutôt mal » ou « très mal » la performance du gouvernement dans la réduction de la criminalité, une hausse de 14 points de pourcentage depuis 2014.

Un fort ancrage des conflits violents en Côte d’Ivoire

Au niveau politique, la méfiance et l’intolérance entre les partisans du pouvoir et des partis politiques d’opposition est telle qu’il est difficile de parler politique librement (Amnesty International, 2020). Le climat de tension perpétuellement entretenu justifie ce fait.

En moyenne huit Ivoiriens sur 10, de 2013 à 2019, estiment que la compétition entre les partis politiques mène « souvent » ou « toujours » aux conflits violents. Ces données confirment chez les citoyens une forte perception de la terreur et de la violence politiques.

L’une des formes des violences qui se présente en Côte d’Ivoire se situe à l’échelle des citoyens. Elles dégénèrent parfois en conflit communautaire au point de susciter des craintes. À titre estimatif, les Ivoiriens qui affirment avoir craint la violence entre habitants au cours des deux dernières années est passée de 18% en 2017 à 28% en 2019.

Les enquêtes Afrobarometer nous fournissent à ce propos des informations intéressantes. Il revient des analyses que les Ivoiriens qui n’ont « jamais » craint d’attaques extrémistes politiques ou religieuses au cours des deux dernières années représentent 85%. On peut toutefois observer qu’il existe une frange d’Ivoiriens qui les craignent; ceux-ci représentent 14% en 2019 comme en 2017.

Suite aux attaques extrémistes perpétrées dans le pays depuis 2016, on suppose que les tendances similaires de 2017 et 2019 pourraient s’appuyer sur deux hypothèses plausibles. L’une, propre à une majorité des Ivoiriens, vise à ne pas reconnaître à l’extrémisme un fort ancrage au sein des communautés tandis que l’autre, typique à une minorité d’Ivoiriens, tend à considérer qu’il existe des germes de l’extrémisme dans la société ivoirienne que l’on ne peut ignorer au vu des attaques que le pays a subi en 2020 (Le Point Afrique, 2020).

 

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