Chefferie traditionnelle en Côte d’Ivoire: Quel bilan après l’institutionnalisation ?, Afrobarometer, Août 2021

Chefferie traditionnelle en Côte d’Ivoire: Quel bilan après l’institutionnalisation ?, Afrobarometer, Août 2021

Auteurs : Wohi Innocent Flan, Kaphalo Ségorbah Silwé et Joseph Koné

Organisations affiliées : Afrobarometer, Centre de Recherche et de Formation sur le Développement Intégré (CREFDI)

Site de publication : afrobarometer.org

Type de publication : Policy Paper

Date de publication : Août 2021

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 


 

Introduction

Après les indépendances, les chefs traditionnels ont été relégués en arrière-plan par l’État moderne au nom du développement (Perrot, 2006). En Côte d’Ivoire, avant 2014, le souci de mieux affermir son autorité a conduit l’État à imposer des limites au pouvoir local où, désormais, les attributions des chefs traditionnels consistent essentiellement à servir de relais entre l’administration moderne et la population rurale (Kouadio, 2001).

Face à la multiplication des centres de pouvoir au niveau local, il apparaît sans ambages que le pouvoir du chef traditionnel s’est fortement réduit. En plus de la perte de plusieurs prérogatives au profit de l’administration moderne, les chefs traditionnels fonctionnent non comme des décideurs politiques, mais plutôt comme des exécutants, des auxiliaires, des subordonnés de cette nouvelle administration.

Les crises politiques successives et la fracture sociale qui s’en est suivie ont également entrainé le retour en force des institutions de leadership traditionnel. Les chefs traditionnels gèrent, à une échelle micro, la vie politique, sociale et financière. La pluralité des rôles joués concoure à accroître leur crédibilité et leur influence auprès des communautés. Cette influence est aussi reconnue par les autorités locales de l’administration moderne.

La nouvelle constitution ivoirienne adoptée en 2016 consacre la reconnaissance de la chefferie traditionnelle. À l’image du Ghana, la Côte d’Ivoire a procédé à la création d’une Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels (CNRCT).

Proximité avec la population

Plus de la moitié (56%) des Ivoiriens reconnaissent que les chefs traditionnels font « toujours » ou « souvent » de leur mieux d’écouter les préoccupations et les avis de leurs concitoyens.

En 2019, interrogés sur le nombre de rencontres qu’ils ont eu avec les chefs traditionnels au cours des 12 mois précédant cette étude, la majorité (56%) des Ivoiriens indiquent qu’ils n’ont « jamais » contacté la chefferie traditionnelle. Mais le pourcentage de ces derniers est en baisse constante depuis 2017, alors que celui des citoyens qui ont contacté la chefferie traditionnelle « une fois seulement », « quelques fois » ou « souvent » a fait un bond de 15 points entre 2014 et 2019, de 29% à 44%.

La nouvelle constitution ivoirienne adoptée en 2016 consacre la reconnaissance de la chefferie traditionnelle. À l’image du Ghana, la Côte d’Ivoire a procédé à la création d’une Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels (CNRCT)

Cette progression, qui semble confirmer que les Ivoiriens se tournent de plus en plus vers les chefs traditionnels, coïncide avec l’existence de la CNRCT.

Crédibilité des chefs traditionnels

La création de la CNRCT devrait contribuer à la valorisation de la fonction d’autorité traditionnelle et à la promotion des us et coutumes ainsi que des idéaux de paix et de développement, ce qui devrait logiquement renforcer la confiance des populations envers les autorités traditionnelles.

Pour sept Ivoiriens sur 10 (69%), les chefs traditionnels cherchent ce qui est mieux pour les gens de leurs communautés. Seulement 13% considèrent qu’ils servent plutôt les intérêts des dirigeants au pouvoir, tandis que 16% estiment qu’ils défendent plutôt leurs propres intérêts

En 2019, deux tiers (66%) des Ivoiriens interrogés avant la crise liée à la pandémie de la COVID-19 ont affirmé qu’ils font « partiellement » ou « beaucoup » confiance aux chefs traditionnels.

Pour sept Ivoiriens sur 10 (69%), les chefs traditionnels cherchent ce qui est mieux pour les gens de leurs communautés. Seulement 13% considèrent qu’ils servent plutôt les intérêts des dirigeants au pouvoir, tandis que 16% estiment qu’ils défendent plutôt leurs propres intérêts.

De 2014 à 2017, la proportion des Ivoiriens qui sont « d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec la performance de leurs chefs traditionnels au cours des 12 derniers mois est restée importante et assez stable (74% en 2019), même si celle de ceux qui sont insatisfaits de cette performance a légèrement augmenté.

Influence politique

La loi portant statut des chefs traditionnels stipule que les rois et chefs traditionnels sont soumis aux obligations de neutralité, d’impartialité et de réserve. Cependant l’on a observé qu’à l’approche de l’élection présidentielle ivoirienne de 2020, plusieurs chefs traditionnels ont appelé à voter pour le président sortant.

La majorité (61%) des Ivoiriens trouvent qu’actuellement les chefs traditionnels influencent « un peu », « assez » ou « beaucoup » le vote des membres de leur communauté.  

Cependant, seulement environ deux citoyens sur 10 (22%) sont « d’accord » ou « tout à fait d’accord » que les chefs traditionnels devraient donner des consignes de vote aux gens, tandis que les trois quarts (76%) préfèrent qu’ils restent en-dehors de la politique et laissent les gens décider eux-mêmes de comment voter.

La majorité (61%) des Ivoiriens trouvent qu’actuellement les chefs traditionnels influencent « un peu », « assez » ou « beaucoup » le vote des membres de leur communauté

Si l’élection est le meilleur moyen de légitimation des pouvoirs locaux, elle reste source de tensions dans de nombreux villages, les règles du jeu démocratique n’étant pas toujours comprises et admises de façon consensuelle par tous.

Influence dans la gestion locale

Huit Ivoiriens sur 10 (80%) croient que les chefs traditionnels travaillent plutôt en coopération avec les dirigeants élus pour faire avancer les choses tandis que seulement 16% soutiennent que les chefs traditionnels sont plutôt en compétition avec les dirigeants élus pour les ressources, le pouvoir et l’influence.

Six citoyens sur 10 (60%) souhaitent que l’influence des chefs traditionnels dans la gouvernance locale augmente « un peu » ou « beaucoup », tandis que 31% jugent que cette influence devrait garder son niveau actuel.

 

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