Ce que signifie le retour de Gbagbo en politique pour la Côte d’Ivoire, The Conversation, Octobre 2021

Ce que signifie le retour de Gbagbo en politique pour la Côte d’Ivoire, The Conversation, Octobre 2021

Auteur : Peter Penar

Organisation affiliée : The Conversation

Site de publication : theconversation.com

Type de publication : Article

Date de publication : 5 octobre 2021

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Début août, l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, a émis l’idée de créer un nouveau parti politique. En juillet 2019, la Cour l’a acquitté des accusations de crimes contre l’humanité, y compris de meurtres, de viols et d’« autres actes inhumains » commis pendant les violences postélectorales de 2010-2011.

Le retour de Gbagbo a été scellé lorsque la chambre d’appel de la Cour a confirmé son acquittement en mars 2021. Le président Alassane Ouattara lui a alors accordé un passeport diplomatique.

L’annonce de Gbagbo confirme son désir d’influer sur la politique dans un pays où l’opposition est divisée et où le président est critiqué pour son troisième mandat.  

La perspective de voir surgir un nouveau parti politique avec la bénédiction de Gbagbo pourrait unifier l’opposition et constituer un redoutable défi pour Ouattara et sa coalition au pouvoir. Ce qui pourrait donner un regain d’intérêt pour la participation politique qui a régressé avec les défaites et les boycotts successifs de l’opposition.

Les principaux partis

Il y a trois principaux partis politiques en Côte d’Ivoire : le Front populaire ivoirien, le Rassemblement des Républicains de Ouattara et son partenaire de coalition, le Parti démocratique de la Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain.

Dans les années 1990, sous Gbagbo, le Front populaire ivoirien était le principal parti d’opposition. Après le coup d’État militaire de 1999 et le gouvernement de transition présidé par le général Robert Guéï, la puissance du parti de Gbagbo et le manque d’alternatives ont permis à celui-ci de remporter l’élection présidentielle de 2000.

L’annonce de Gbagbo confirme son désir d’influer sur la politique dans un pays où l’opposition est divisée et où le président est critiqué pour son troisième mandat

Le Front populaire ivoirien a gouverné jusqu’aux élections présidentielles contestées de 2010. Lors des élections de 2010, les divisions se sont accentuées. Les partisans de la ligne dure proches de Gbagbo ont insisté pour qu’il tienne bon et refuse de transférer le pouvoir à Ouattara.

L’arrestation de Gbagbo 

Le désaccord le plus important entre les dirigeants du parti portait sur la façon de gérer le statut de Gbagbo au sein du parti après son arrestation et son inculpation par la Cour pénale internationale. D’autres, quant à eux, ont cherché à poursuivre les activités et à remplacer Gbagbo à la tête du parti. Pascal Affi N’Guessan, ancien premier ministre dans les années 2000, est ainsi devenu le chef du parti, mais il s’est heurté à la résistance des alliés de Gbagbo.

Il y a trois principaux partis politiques en Côte d’Ivoire : le Front populaire ivoirien, le Rassemblement des Républicains de Ouattara et son partenaire de coalition, le Parti démocratique de la Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain

Sous la direction de N’Guessan, le parti n’a pas réussi à obtenir une audience et une influence politique d’envergure. Bien que de nombreux petits partis d’opposition aient boycotté les élections de 2015, N’Guessan a obtenu un faible score de 9,3 % des voix contre 83,7 % pour Ouattara.

Vacance du pouvoir 

Le boycott met en évidence le vide laissé par l’opposition depuis l’élection contestée de 2010. Au cours des cinq dernières années, la reconfiguration a évolué, 57 % des Ivoiriens indiquant ne pas se sentir proches d’un parti politique.

Les citoyens sont, par ailleurs, de plus en plus critiques à l’égard des partis au pouvoir et de l’opposition. La confiance dans les partis au pouvoir, nettement inférieure à 50 %, a chuté à 41 % en 2019 et la confiance dans les partis d’opposition a largement stagné pendant l’absence de Gbagbo.

Cette reconfiguration donne aux nouveaux mouvements et personnalités politiques (ou d’anciennes personnalités qui s’inventent une nouvelle virginité) l’opportunité d’attirer les électeurs désabusés. Ces dernières années, au moins un cinquième des Ivoiriens ont déclaré qu’ils ne voteraient pas et un sur dix a indiqué qu’il ne savait pas pour qui voter.

Perspectives d’un nouveau parti 

L’intérêt manifesté par Gbagbo pour la création d’un nouveau parti donne la possibilité de réinventer l’opposition politique dans le pays et de forger de nouvelles alliances. N’Guessan et ses alliés insistent sur le fait que toute prise de contrôle du Front Populaire Ivoirien par Gbagbo serait illégale et emblématique d’une politique autocratique.

Les citoyens sont, par ailleurs, de plus en plus critiques à l’égard des partis au pouvoir et de l’opposition. La confiance dans les partis au pouvoir, nettement inférieure à 50 %, a chuté à 41 % en 2019 et la confiance dans les partis d’opposition a largement stagné pendant l’absence de Gbagbo

Il n’est pas certain qu’un parti soutenu par Gbagbo s’en sortirait mieux que le Front Populaire Ivoirien. Toutefois, avec le retrait ultime de Ouattara de la scène politique et le mécontentement croissant, le retour de Gbagbo en politique pourrait conduire à une plus grande participation politique.

Une autre éventualité est que le retour de Gbagbo contribuerait à intensifier les récents efforts accomplis par les pays francophones pour réévaluer leur relation avec la France et nouer de nouvelles relations continentales.

 

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