Au pays du cacao comment transformer la Côte d’Ivoire, Groupe de la Banque Mondiale

Au pays du cacao comment transformer la Côte d’Ivoire, Groupe de la Banque Mondiale

Auteur : Groupe de la Banque Mondiale

Type de Publication : Rapport

Date de publication : Juillet 2019

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L’économie ivoirienne continue de rester dynamique en ce début d’année 2019, avec une croissance du PIB projetée autour de 7,2 % en 2019, après avoir atteint 7,4% en 2018. Si le pays est de moins en moins dépendant de son agriculture, qui ne comptait plus que pour 21,5% du PIB en 2017 contre 32,5% en 1990 (et même 47,9% en 1960), ce secteur continue d’être le plus grand pourvoyeur d’emplois et de devises étrangères pour le pays.

Le secteur agricole reste un contributeur modeste et fragile de la renaissance économique ivoirienne car il n’a compté en moyenne que pour 1,2 points de croissance du PIB (soit 14%) entre 2012 et 2018.

Cette hausse de l’investissement privé reflète l’impact positif de plusieurs actions menées par les autorités ivoiriennes pour améliorer le climat des affaires (la Côte d’Ivoire est passé de 139 à 122 dans le classement de Doing Business entre 2018 et 2019).

L’inflation en Côte d’Ivoire est restée faible à 0,3% en 2018

Pour recouvrer davantage d’impôts, la Côte d’Ivoire se doit non seulement de continuer ses efforts de réformes administratives mais aussi centrer son action autour du recouvrement de la TVA sur les transactions intérieures dont le taux actuel extrêmement bas offre une marge de progression indéniable.

Cet effort rapporterait des recettes supplémentaires à l’État tout en lui permettant de réduire graduellement la lourdeur de sa fiscalité sur les transactions internationales, qui sont comparativement surtaxées. Dans ce contexte, la refonte de la fiscalité pétrolière et cacaotière, qui comptent à elles deux pour environ 20 % des recettes totales de l’État, pourrait intervenir afin de mieux équilibrer le fardeau fiscal et ainsi contribuer à accroître la compétitivité des entreprises locales sur les marchés internationaux.

Du côté de la demande globale, la consommation et les investissements privés resteront sur leur dynamique positive, même si un léger ralentissement pourrait prendre place en 2019 et 2020 à l’approche des élections. La contribution du secteur public devrait rester contenue en raison de l’engagement des autorités à maintenir un déficit budgétaire stable autour de 3 % du PIB dans les années à venir.

L’agriculture demeure un secteur de prime importance pour l’économie de la Côte d’Ivoire même si son poids dans le PIB national a diminué de 47,9 % en 1960 à environ 21,5% en 2018. Elle procure encore un emploi à plus de la moitié des ménages (exactement 51,2% en 2015) et est de loin la majeure source de devises du pays, comptant pour approximativement 60% de ses exportations en marchandises en 2018.

Afin d’accroître la contribution de l’agriculture à ses objectifs de croissance économique et de réduction de pauvreté, le consensus est que la Côte d’Ivoire se doit de promouvoir des gains de productivité et d’encourager une plus grande diversification agricole.

Le développement d’une agriculture moderne est complexe en raison du besoin de tenir compte de plusieurs objectifs économiques, sociaux et culturels qui ne sont pas toujours compatibles. Pour cette raison, la Côte d’Ivoire pourrait s’inspirer de pays qui ont réussi à transformer leur agriculture comme le Vietnam, la Thaïlande et le Kenya en mettant d’abord l’accent sur les gains de productivité de leur production vivrière pour ainsi garantir la sécurité alimentaire du pays.

En méconnaissant l’importance du cacao dans l’historique et le vécu des Ivoiriens, on se prive d’une des clés de compréhension majeures de la plupart des évènements qui ont marqué le développement de ce pays au cours des 60 dernières années. D’abord, son essor remarquable dans les années qui ont suivi l’indépendance, son essoufflement au milieu des années 1980 lorsque les cours se sont effondrés sur les marchés mondiaux, son développement accéléré depuis la fin des années 1990, sa remarquable résilience pendant la crise politique des années 2000.

En méconnaissant l’importance du cacao dans l’historique et le vécu des Ivoiriens, on se prive d’une des clés de compréhension majeures de la plupart des évènements qui ont marqué le développement de ce pays au cours des 60 dernières années

L’impact du développement de la culture sur la mise en valeur du pays et sa démographie, avec le premier ancrage dans le Sud Est du pays (« l’ancienne boucle du cacao ») et puis le front pionnier qui a colonisé les régions de l’Ouest, et l’énorme appel que la culture a produit sur la main d’œuvre nationale et de la sous-région.

Malgré l’extraordinaire importance de la filière cacao pour le développement économique de la Côte d’Ivoire, ce secteur ne joue pas pleinement son rôle de vecteur de développement pour les producteurs et les communautés rurales concernées.

La culture du cacao a été introduite en Côte d’Ivoire à la fin du XIXe siècle (1895). Elle s’y est développée rapidement, surtout après l’indépendance en 1960 si bien que le pays est devenu le premier producteur mondial, dépassant le Ghana, à partir du début des années 1970. Tirée par une demande mondiale en hausse constante, la production nationale est passée de 550 000 tonnes en 1980 à 900 000 tonnes en 1995, puis 1,5 millions de tonnes en 2015 et enfin plus de 2,0 millions de tonnes en 2018. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire compte pour environ 40% de la production mondiale de cacao.

Le producteur type

  • C’est un homme (96%), en moyenne âgé de 43 ans ;
  • Seulement un producteur sur 10 a fréquenté l’école au-delà de l’enseignement primaire, 
et seulement 30 % déclarent savoir lire.
  • Il vit dans un foyer qui est composé en moyenne de 8 membres.
  • Son revenu moyen est d’environ 1,7 million de FCFA par an (ou 3000 $) et le cacao est sa 
principale source de revenu même si certains producteurs cultivent d’autres produits agricoles (hévéa, palmier à huile, vivriers) ou, plus rarement, exercent une activité non- agricole.
  • La taille moyenne de son exploitation est autour de 5 hectares (seulement un producteur sur 10 cultive plus de10 hectares) et la moitié de son verger a plus de 24 ans, avec un rendement moyen par hectare de 471 kg. 
Source: AFD/ Barry Callebaut, Cocoa farmers’ agricultural practices and livelihoods in Côte d’Ivoire, 2016.

La chaîne de valeur du cacao peut être séparée en quatre parties : (I) la production de fèves de cacao ; (ii) le broyage des fèves en pâte, beurre et poudre (1ère transformation) ; (iii) la production de chocolat industriel puis de produits finis chocolatés (2ème transformation); et (iv) la distribution de ces produits.

Au-delà de ces résultats fort contrastés obtenus par la filière du cacao après presque 60 ans de développement continu, le monde change et celui du cacao peut-être encore plus vite.

Au niveau géographique, la croissance de la consommation dans les pays industrialisés est freinée par un marché déjà saturé (5-12 kg/hab/an), et des inquiétudes grandissantes concernant la santé qui devrait stimuler la demande pour les chocolats haut de gamme (+7% par an), contenant plus de cacao et moins de sucre.

La Côte d’Ivoire s’est fermement engagée sur tous ces fronts : avec son nouveau programme de lutte contre le travail des enfants, l’approbation d’un nouveau Code Forestier et d’une nouvelle politique forestière dont l’objectif central est la préservation et la restauration du couvert forestier du pays et l’adoption du Cadre d’Action Commune pour le développement durable et inclusif du secteur cacao.

Les zones propices à la culture du cacao devraient se réduire considérablement d’ici 2050. Le changement climatique prévisible implique donc que d’ores et déjà des mesures efficaces soient prises pour atténuer son impact. Une priorité absolue : la lutte contre le swollen shoot. Au-delà du besoin général d’augmenter la productivité du verger, une priorité absolue doit être d’enrayer la progression du swollen shoot. D’après les estimations actuelles, la maladie se développe rapidement et affecterait au moins 100 000 ha.

Le gouvernement a déjà lancé un programme d’arrachage des plantations infectées dans le cadre de son programme Quantité Qualité et Croissance (2Qc 2012-2013 ; environ 30 000 ha ont déjà été traités) mais il cet effort doit être drastiquement intensifié et accéléré pour arrêter la progression de la maladie comme le reconnait la Déclaration d’Abidjan. De nombreuses expérimentations, en particulier par le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) en Côte d’Ivoire, ont montré que des techniques sont économiquement plus rentables que les pratiques paysannes extensives.

L’association d’arbres forestiers aux cacaoyers est porteuse de nombreux espoirs car elle est un moyen : (i) de diversifier les revenus des producteurs, et donc de réduction les risques de marchés et climatiques inhérents à la monoculture, (ii) d’offrir la production de bois d’œuvre, bois énergie et autres produits utiles pour les planteurs et (iii) d’améliorer la productivité et de prolonger la durée de vie de production du cacaoyer à cause du microclimat que procure l’agroforesterie (ombrage et humidité) qui permet d’atténuer les épisodes de sécheresse, et à plus long terme de contrer les effets du réchauffement climatique et donc d’assurer la survie de la filière.

En plus de la lutte contre les maladies, le changement climatique est le plus grand défi à relever pour assurer la durabilité à long terme du secteur cacaoyer. La certification de produits tropicaux comme le café et le cacao a longtemps relevé d’un marché de niche, de type « commerce équitable » ou « agriculture biologique » de quelques milliers de tonnes. Pour l’instant, le bilan provisoire des programmes de certification semble mitigé, tant sur les revenus des planteurs que sur le respect des normes environnementales et sociales.

En effet, le développement d’une industrie chocolatière en Côte d’Ivoire se heurte à une série d’obstacles qu’il convient de rappeler :

  • Le chocolat n’est pas un produit qui se transporte facilement (en tout cas par rapport aux fèves) en raison de la chaîne du froid alors que 99 % des consommateurs se trouvent éloignés de la Côte d’Ivoire.
  • La production de chocolat de qualité demande un savoir-faire qui s’acquiert difficilement car il est contrôlé par un nombre relativement réduit de compagnies. L’absence de personnel qualifié est aussi un handicap pour la Côte d’Ivoire. De plus, les utilisateurs finaux travaillent en flux tendus et utilisent des mélanges de plusieurs origines.
  • La part du cacao dans la majorité des produits à base de chocolat est relativement faible (autour de 20%) ce qui fait que les coûts de production dépendent fortement d’autres intrants où la Côte d’Ivoire souffre d’un déficit de compétitivité (comme l’électricité, le sucre, et les produits laitiers) par rapport aux pays émergents (Inde, Chine) où pourrait se concentrer la hausse de la consommation dans les années à venir.

Créée en 2007, la société de droit ivoirien Tafi a démarré ses activités en 2012 par la production de produits semi-finis issus du cacao. En 2015, elle s’est lancée dans la fabrication de produits finis avec une capacité annuelle de 4 000 tonnes. Deux autres entreprises, Neskao et Sidcao, font la transformation des fèves hors normes de cacao.

 

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