Auteurs : Kouakou Daniel YAO Gbalawoulou Dali DALOUGOU et Maholy Antoinette ZAMBE
Organisation affiliée : Revue Africaine des Sciences Sociales et de la Santé Publique (RASP)
Type de publication : Article
Date de publication : 23 Septembre 2021
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Chef de ménage et statut relatif à la mutuelle d’assurance santé
Le fait d’être bénéficiaire d’une assurance maladie (protégé) ou pas (position de vulnérabilité), est susceptible de moduler la représentation sociale des ménages investigués par rapport aux tradipraticiens. Les ménages bénéficiant d’une mutuelle d’assurance santé seraient portés sur la dimension mystique(guérisseur) et socio-culturel(médicament-traditionnel). Pour les assurés, le «guérisseur» représente aisément l’identité du tradipraticien qui maitrise les «médicaments traditionnelles». Monsieur A. F. [Pompiste, marié, 38 ans], nous donne son opinion: « Je n’aime pas les tradipraticiens parce qu’ils ne sont pas simples. Ils pratiquent trop les choses occultes et la magie noire. Trop de totems et rien n’est simple avec eux.»
Pour les ménages ne bénéficiant pas d’une mutuelle d’assurance maladie, les tradipraticiens sont associés aux items «indigénat et soigner-par-plante». Le recours aux soins tradithérapeutiques s’explique a priori selon eux par des facteurs socioculturels. Madame B. K. [Institutrice, mariée, 47 ans], déclare à ce propos : «Pour moi le tradipraticien, c’est celui qui soigne à partir de méthodes traditionnelles que ce soit par des plantes ou des méthodes anciennes utilisées par les plantes africaines pour soigner les malades. Ma grand-mère était une Comian. Elle guérissait les gens aussi avec les visions et les cauris, mais très souvent par les plantes ».
Parallèlement, pour les ménages ne bénéficiant pas d’une mutuelle d’assurance maladie, nos retenons que l’accent est mis dans les représentations sur les aspects: biomédical «plantes naturelles», socio-culturels «culture africaine» et mystiques «aspect-mystique». La clique fermée «modèle de traitement, relation de la médecine moderne» s’ancre dans les valeurs traditionnelles et soulignent ainsi, la prégnance du facteur culturel dans la construction du rapport aux tradipraticiens chez ce sous-groupe d’enquêtés.
Pour les ménages ne bénéficiant pas d’une mutuelle d’assurance maladie, les tradipraticiens sont associés aux items «indigénat et soigner-par-plante». Le recours aux soins tradithérapeutiques s’explique a priori selon eux par des facteurs socioculturels
Monsieur P. M. [Agriculteur, marié, 55 ans], ne dit pas autre chose quand il affirme dans l’entretien que : Le tradipraticien utilise toujours les plantes naturelles pour soigner ses patients, même quand c’est des maladies graves. Chez nous, il y a chaque année une fête de générations et les tradipraticiens ne manquent pas d’y être. Il y a des comians, des féticheurs, des voyants, tous ceux-là soignent aussi des gens. Faut juste être initié ou les connaître de près pour savoir qu’ils ne sont pas dangereux comme les gens le prétendent. Nous somme en Afrique, cela fait partie de notre culture.»
Chef de ménage et confessions religieuses
Pour les ménages chrétiens, le tradipraticien soigne par les plantes avec un fond de fétichisme. Cette représentation est similaire aux ménages musulmans pour lesquels, le tradipraticien use des plantes médicinales avec des incantations ou formules mystiques comme principe actif. Ces deux sous-groupes qui ont pour référence des religions monothéistes (rejet des génies) semblent anathématiser les tradipraticiens, même s’ils leur reconnaissent le «pouvoir» de traiter ou soigner en partie les pathologies par les plantes.
A l’opposé des deux premiers groupes, les ménages de confession animistes adoubent dans leur représentation, les tradipraticiens qui sont perçus comme des guérisseurs qui ont la maitrise des médicaments traditionnels et qui sont des marqueurs de l’identité ou de la culture africaine.
Enjeu socio-sanitaire lié à l’insertion des tradipraticiens au système de santé public
Dans une dimension structuro-organisationnelle, les tradipraticiens sont caractérisés comme des acteurs qui n’ont pas de compétence et de formation académique. A cet effet, Docteur K. B. [Médecin généraliste, chef de service, 50 ans] déclare que: «Sur le plan social, généralement, il faut qu’on le dise, la plupart quand on les croise, ils n’ont pas un niveau intellectuel élevé. Pour certains, ils ne sont même pas allés à l’école, d’autres ils sont allés, mais ils ne sont pas arrivés loin. Ils sont rares ceux qui ont un niveau intellectuel élevé. Il y en a mais, ils sont rares.»
Aujourd’hui, le Ministère de la Santé s’emploie à organiser la corporation en les regroupant afin de pouvoir mieux les contrôler au profit du bien-être sanitaire de la population, car il reconnait l’existence de bons thérapeutes. Le Docteur T. F. [Médecin généraliste, responsable du Ministère de la Santé pour la localité, 53 ans] le précise en ces termes: «En Côte d’Ivoire, comme vous le savez, le ministère de la santé a essayé et essaie toujours d’organiser les tradipraticiens.
Docteur K. B. [Médecin généraliste, chef de service, 50 ans] déclare que: «Sur le plan social, généralement, il faut qu’on le dise, la plupart quand on les croise, ils n’ont pas un niveau intellectuel élevé. Pour certains, ils ne sont même pas allés à l’école, d’autres ils sont allés, mais ils ne sont pas arrivés loin. Ils sont rares ceux qui ont un niveau intellectuel élevé. Il y en a mais, ils sont rares.»
Et puis, il est en train d’établir une collaboration. Pourquoi? Parce qu’il ne faut pas qu’on ignore complètement les soins qu’il y a dans cette pratique. C’est vrai que nous au ministère de la santé, nous avons fait de la médecine moderne, mais comme je le disais tantôt, les soins moi j’en ai reçu des tradipraticiens et je suis là. On reconnait qu’il y a dans leur pratique là une efficacité. En les organisant et en collaborant avec eux, on pourra savoir ce qui est bon pour les malades surtout. On collabore en termes de complémentarité. C’est ce que le ministère est en train d’organiser».
Enjeu socio-politique lié à l’insertion des tradipraticiens au système de santé public
Sur le plan juridique et institutionnel, la reconnaissance formelle de l’activité de tradipraticien tarde à prendre forme. Il persiste un clair-obscur qui est source d’incertitude, aussi bien pour les praticiens que pour les patients. Aujourd’hui, un tradipraticien tient sa connaissance après avoir passé un temps d’apprentissage auprès d’un ainé (maitre-formateur). C’est dans ce sens que monsieur K. D. [Tradipraticien, marié, 55 ans] affirme que: «La collaboration avec le ministère de la santé doit être renforcée. Pour que, de plus en plus, on puisse découvrir les capacités que nous les tradipraticiens avons pour soigner nos parents.
Le tradipraticien est perçu comme le marginal car, il ne respect aucune procédure juridique et institutionnel pour exercer selon l’imaginaire collectif. Pour l’heure, l’Etat n’a pas encore défini un canevas d’apprentissage procédural ainsi que des comportements à adopter dans l’exercice de leur fonction de tradipraticien.
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