Que la route soit bonne : Améliorer le mobilité urbaine à Abidjan, Banque Mondiale

Que la route soit bonne : Améliorer le mobilité urbaine à Abidjan, Banque Mondiale

Auteur : Banque Mondiale

Type de Publication : Rapport

Date de publication : Janvier 2019

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En 2018, les principaux résultats macroéconomiques enregistrés par la Côte d’Ivoire pourraient faire le bonheur de presque tous les Ministres de l’Economie et des Finances (Graphique 1). Pour la septième année consécutive depuis 2012, le taux de croissance du PIB devrait dépasser 7% et atteindre probablement 7,4% en 2018 grâce à la bonne performance du secteur de la construction et le maintien de l’expansion des services de transport ainsi que la forte consommation de produits pétroliers et de commerce de détail.

Le PIB réel par tête a augmenté de 32% depuis 2012. Toutefois, les contributions respectives du secteur public et externe se sont réduites. En attendant, il faut se réjouir que ce taux soit l’un des plus rapides au monde et le plus élevé au sein de l’espace UEMOA. A ce rythme, la Côte d‘Ivoire pourrait rejoindre le groupe des pays à revenu intermédiaire dans une quinzaine d’années.

Le taux de croissance du PIB devrait dépasser 7% et atteindre probablement 7,4% en 2018

La croissance soutenue de l’économie s’est accompagnée par la maîtrise de la plupart des variables monétaires et financières qui se sont bien comportées (Graphique 1). Le taux d’inflation est resté autour de 1%, car les prix des denrées agricoles, qui comptent pour presque la moitié du panier du consommateur ivoirien, sont restés stables.

Au niveau monétaire, la politique de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est restée prudente de manière à éviter les pressions qui pourraient exister sur le taux de change. Les réserves en devises internationales au sein de la sous-région ont augmenté, alors que la hausse du crédit devrait se situer autour de 13% en 2018 contre plus de 15% l’année précédente.

La croissance des crédits au secteur privé s’est légèrement ralentie, de 15% en 2017 à environ 10%, peut-être, à cause de l’onde de chocs provoquée par la faillite du quatrième exportateur de cacao, qui a mis au moins deux établissements bancaires de la place en difficulté. Toutefois, dans son ensemble, le système financier reste solide avec un taux de crédits en difficultés de 8,7% en juin 2018, ce qui est le moins élevé de la sous-région, et en baisse par rapport à fin décembre 2017 (9,8%).

La légère baisse du rendement des banques reflète sans doute une intensification de la concurrence car non seulement il y a aujourd’hui plus de 25 établissements bancaires mais ceux-ci doivent aussi affronter les compagnies de téléphonie mobile. Un bon indicateur de cette concurrence est que le taux d’adultes possédant aujourd’hui un compte mobile est 2,5 fois supérieur (48%) au taux d’adultes détenteurs d’un compte bancaire (19,7%).

Les perspectives pour l’économie ivoirienne restent favorables même si les risques augmentent avec le rapprochement des échéances politiques nationales en 2020. Cet élément d’incertitude peut affecter à la fois la conduite de la politique budgétaire et les décisions d’investissements et de consommation des ménages ainsi que des entreprises. Ci-dessous est présenté le scénario de base – le plus vraisemblable- dans lequel l’économie ivoirienne est projetée converger graduellement vers un taux de 7%.

Principales forces/faiblesses selon le dernier rapport PEFA

L’exercice PEFA a montré des progressions dans le système des finances publiques. Le développement d’un dispositif institutionnel robuste appuyé d’outils informatiques performants et d’une volonté politique ferme se conjuguent pour assurer une bonne discipline budgétaire globale mais des faiblesses persistent dans la gestion des dépenses, notamment en matière de contrôles. Forces

  • Crédibilité de la stratégie des finances publiques et du budget avec des écarts minimes entre les budgets programmés et exécutés en recettes comme en dépenses.
  • Bonne prévision des recettes.
  • Un accroissement de la transparence dans la gestion des finances publiques avec des contrôles externes améliorés de la part de la Cour des comptes.
  • L’encadrement administratif et financier à priori des établissements publics et des collectivités territoriales.
  • Une bonne gestion de la dette publique.

Faiblesses

  • Ecart dans l’allocation des dépenses programmées par Ministère et celles qui sont exécutées.
  • Couverture non-exhaustive des recettes et des dépenses dans les états financiers annuels de l’Administration budgétaire centrale avec des recettes et dépenses non comptabilisées représentant respectivement 22,1% et 14,4% en 2015.
  • La supervision des entreprises publiques bien que récemment renforcée est encore insuffisante et leurs risques budgétaires et ainsi que leurs passifs éventuels ne sont pas quantifiés dans leurs rapports financiers.
  • Un contrôle interne et externe faible avec aucune évaluation indépendante de la performance des ministères et de nombreuses entreprises et agences publiques réalisée au cours des trois dernières années.

La Côte d’Ivoire est exposée à des risques économiques qui sont relativement bien connus. Sur le plan extérieur, le pays reste vulnérable aux variations des prix de ses produits de base. En outre, le resserrement de la politique monétaire sur les marchés internationaux et régionaux rendrait les emprunts non concessionnels plus onéreux, ce qui pourrait affecter l’assainissement budgétaire prévu et la viabilité de la dette à moyen et long termes.

Les risques climatiques ne sont pas négligeables sur la production et les exportations de produits agricoles. Le pays est aussi vulnérable aux menaces terroristes, qui avaient déjà frappé à Grand Bassam en 2016, et qui continuent à affecter plusieurs pays de la sous-région.

La principale incertitude pour l’économie ivoirienne est avant tout d’ordre politique

Sur le plan interne, le risque porte surtout sur l’ajustement budgétaire. Si la maîtrise des comptes de l’Etat est globalement confirmée par le maintien de recettes domestiques supérieures aux dépenses courantes (une des règles d’or en finances publiques) et par un service de la dette inférieure à 15% des revenus, le niveau relativement bas des recettes fiscales de l’Etat autour de 16% du PIB constitue une contrainte majeure pour le financement des besoins de l’Etat, qui restent importants tant en matière d’infrastructures physiques que de dépenses sociales dans les années à venir.

Si les risques économiques ne sont pas à négliger, la principale incertitude pour l’économie ivoirienne est avant tout d’ordre politique. A l’approche des élections présidentielles prévues en fin 2020, les tensions entre les principaux partis politiques se sont ravivées, notamment avec la rupture entre le parti du Président Ouattara (RDR) et celui de l’ancien Président Bédié (PDCI).

La performance d’une économie est souvent jugée à travers le taux de croissance de son PIB. Suivant ce critère, la Côte d’Ivoire se distingue favorablement depuis 2012. Or, une économie ne croît pas toujours de la même manière et ses conséquences varient pour sa population. Toute croissance n’est pas capable de produire des emplois de qualité pour sa force de travail. De même, ses fruits ne sont pas toujours partagés équitablement.

Les estimations officielles montrent que le taux de croissance de l’économie a graduellement baissé de 10,2% en 2012 à 7,7% en 2017 pour probablement se situer autour de 7,4% en 2018. Parce que la finalisation des comptes nationaux prend du temps, il est coutume d’utiliser des indicateurs conjoncturels qui sont non seulement fortement corrélés avec le taux d’activité économique, mais qui sont aussi mesurés de manière régulière pour évaluer l’évolution d’une économie.

Toute croissance n’est pas capable de produire des emplois de qualité pour sa force de travail

En regardant vers l’avenir, les autorités devront identifier de nouveaux moteurs de croissance afin  de maintenir un taux de croissance rapide du PIB. Ces moteurs devront mettre l’accent sur les gains d’efficience ou de productivité, qui devront en particulier émerger du secteur privé à cause de l’ajustement budgétaire prévu ces prochaines années et le besoin de créer davantage d’emplois. Ils devront aussi conduire à une plus grande inclusion car tant la demande que l’offre globales bénéficieront d’une plus grande participation des groupes les plus vulnérables au développement.

Pour la première fois depuis 1984, le taux de pauvreté est à la baisse en Côte d’Ivoire. Le revenu national s’est accru de 80% entre 2012-2015 et le taux de pauvreté est passé de 51% en 2011 à 46% en 2015. Le revenu moyen réel par tête a augmenté de 32% depuis 2012 (Graphique 4). Cependant, l’épisode en cours de croissance accéléré n’a pas été suffisamment inclusive.

En regardant vers l’avenir, les autorités devront identifier de nouveaux moteurs de croissance afin  de maintenir un taux de croissance rapide du PIB

Les explications derrière la faible inclusion de la croissance économique sont au moins de trois ordres. D’abord, sa concentration autour d’un nombre restreint de secteurs modernes à Abidjan a limité les bénéfices de la croissance et son impact pour les pauvres, qui se trouvent majoritairement en zones rurales. Ensuite, de nombreux ménages restent extrêmement vulnérables à des chocs exogènes. Les inondations ou a contrario la sécheresse peuvent détruire les récoltes et anéantir le dur labeur des fermiers, qui ne sont généralement pas assurés.

Un ménage peut perdre son logement pendant la saison des pluies. Enfin, malgré des efforts importants pour améliorer l’accès aux services et aux infrastructures de base, leur impact est certainement décalé sur le portefeuille et le bien-être des ménages les plus pauvres. A cet égard, le Gouvernement, dans le cadre de son action sociale, a mené une politique de revalorisation des rémunérations avec le relèvement des salaires minimum, le déblocage des salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat restés inchangés depuis 1989 et l’instauration des avancements indiciaires tous les deux ans.

L’enrichissement des plus riches a aussi contribué à accroître les inégalités.

En Côte d’Ivoire, les inégalités ne sont pas seulement économiques mais aussi géographiques. Le taux de pauvreté est supérieur en zone rural (56,8%) par rapport aux centres urbains (35,9 % dont 22,7% à Abidjan), même si cet écart tend à diminuer au cours du temps car si le taux de pauvreté s’est réduit dans les campagnes (-5,7%) entre 2008 et 2015, il a augmenté dans les centres urbains (+6,4%).

Les zones du Nord et du Nord-ouest du pays sont aussi plus pauvres (plus de 60%) que celles proches du Littoral au Sud-ouest (moins de 40%). Ces écarts peuvent provoquer des sentiments de traitement différenciés entre régions dans un pays qui reste fragile face aux revendications politiques et ethniques. Ils expliquent aussi les flux migratoires de populations, en particulier l’urbanisation qui retiendra l’attention dans la suite de ce rapport.

L’urbanisation est un vecteur de développement économique qui peut aider la Côte d’Ivoire dans sa quête pour une croissance plus intensive et plus partagée. Par ses effets d’agglomération elle aide à l’essor des entreprises qui peuvent ainsi réaliser des gains de productivité. Aujourd’hui, l’écart entre les conditions de vie en zones rurales et urbaines est manifeste :

– Le taux de pauvreté est uniquement de 29% à Abidjan, alors qu’il dépasse 55 % dans le monde rural (et cela en tenant compte des différences en pouvoir d’achat).

  • Les taux de scolarisation dans le premier cycle secondaire atteignent 78% dans les villes et seulement 11% dans les campagnes. L’écart est encore plus important pour l’enseignement supérieur puisqu’il n’y a aucun établissement en dehors des villes.
  • On vit mieux et plus longtemps dans les villes (le taux de morbidité est de 10% à Abidjan ce qui est de deux points inférieurs à celui en milieu rural), ce qui explique aussi que la croissance des villes est aussi un phénomène endogène (cf. Luc Christiaensen, 2014).
  • L’attraction des villes est surtout monétaire. Pour un individu qui vit en campagne, sa stratégie pour optimiser son revenu est certainement de se déplacer en ville (encadré).

L’urbanisation est un vecteur de développement économique qui peut aider la Côte d’Ivoire dans sa quête pour une croissance plus intensive et plus partagée

La bonne gestion des flux migratoires ainsi que celle des villes se trouve au centre des préoccupations des décideurs politiques en Côte d’Ivoire, surtout que ce phénomène n’est pas prêt de s’arrêter puisque 2/3 des Ivoiriens devraient vivre dans une ville en 2050 et avec Abidjan devrait une mégapole de plus de 10 millions d’habitants à partir de 2040.

La bonne nouvelle est que la Côte d’Ivoire est en phase d’urbanisation. Déjà, plus de la moitié de sa population vit en milieu urbain et les projections indiquent que deux habitants sur trois vivront dans une ville à partir de 2035. Le pays est aussi plus urbanisé que la moyenne africaine et que ne laisserait prévoir son niveau de développement économique.

Il peut être estimé que le coût total du transport urbain au sein d’Abidjan est à peu près égal à 4,1 milliards de FCFA par jour pour l’ensemble des ménages de la métropole, soit presque 1.200 milliards de FCFA sur une année (ou l’équivalent d’environ 5% du PIB national en 2017). Ces montants sont obtenus de la manière suivante :

  • Chaque jour ouvrable, un ménage de la ville d’Abidjan effectue en moyenne 6,09 déplacements,28 chacun d’entre eux ayant une durée d’environ 33 minutes (en comptant le temps d’attente). Il dépense quotidiennement 1.075 FCFA.
  • Dans la mesure où il y a environ 1.167.000 ménages dans l’agglomération d’Abidjan, le coût monétaire direct est donc de 1,26 milliards de FCFA par jour, soit l’équivalent de 376 milliards par an.29
  • A ce coût monétaire direct s’ajoute le coût d’opportunité en supposant que chaque ménage perd 200 minutes par jour de temps de travail et que son salaire quotidien est égal 6.000 FCFA, ce qui revient à un total d’environ 2,9 milliards par jour ou 879 milliards par an.

Comparaison avec Dakar : Les coûts de transport à Abidjan apparaissent similaires à ceux observés dans d’autres villes de la région, notamment Dakar où ils s’élèvent à 378 milliards FCFA par an ce qui représente approximativement 4,0% du PIB du Sénégal.

La faiblesse de la mobilité urbaine à Abidjan s’explique à travers l’existence de plusieurs contraintes. Certaines sont d’ordre naturel, telles que la morphologie de la ville avec ses nombreuses lagunes et quartiers séparés par des bras de mers. D’autres sont de nature humaine comme l’absence d’une infrastructure de transport de qualité, d’un accès limité aux moyens de transports, et le non-respect de simples règles de comportement par les usagers de la route.

La faiblesse de la mobilité urbaine à Abidjan s’explique à travers l’existence de plusieurs contraintes. Certaines sont d’ordre naturel, telles que la morphologie de la ville avec ses nombreuses lagunes et quartiers séparés par des bras de mers.

Améliorer la mobilité urbaine représente un enjeu majeur pour la Côte d’Ivoire compte tenu de son importance pour l’accessibilité aux emplois et aux services, du poids du transport dans les dépenses des ménages, de son impact sur la compétitivité des entreprises et de son influence sur la qualité de vie. Si les dépenses que les ménages urbains consacrent à leurs déplacements diminuaient de 20%, le pays pourrait gagner près de 800 millions de FCFA par jour et avec les effets induits sur les coûts des entreprises, cela pourrait amener à un gain de 1,9% par an sur la croissance économique.

Ces gains seraient proportionnellement plus importants pour les ménages les plus pauvres, qui pourraient en outre accéder plus facilement à des emplois et aux services sociaux de base. L’expérience internationale démontre que trois éléments sont essentiels pour améliorer la mobilité urbaine dans une ville comme Abidjan. En premier lieu, il faut définir une vision claire en matière d’aménagement du territoire dans laquelle doit s’intégrer la problématique du transport urbain.

Le deuxième élément est de mettre en place un système de transport qui répond aux besoins de ses usagers à un coût abordable. Enfin, le troisième ingrédient est que ce système soit soutenable tant économiquement qu’écologiquement en incorporant les nouvelles technologies.

 

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