Auteur : Noukignon Kone-Silue
Organisation affiliée : The conversation
Type de publication : Article
Date de publication : Décembre 2020
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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
En 2018, la Banque mondiale présentait une image contrastée de la Côte d’Ivoire, soulignant à la fois sa solide croissance économique et sa forte exposition aux dérèglements climatiques. L’importante déforestation dont le pays fait l’objet n’est en effet pas sans conséquences sur ses émissions de gaz à effet de serre et sa production agricole, avec des perturbations des saisons qui affectent l’agriculture.
Ce constat a incité les autorités ivoiriennes à fixer des objectifs dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. La Côte d’Ivoire s’est ainsi engagée à réduire de 28 % ses émissions de gaz à effet de serre (d’ici à 2030) et à augmenter substantiellement la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique (de 42 % d’ici à 2030).
Pour atteindre ces objectifs, elle a listé des actions à mener, dont font partie la gestion durable et la valorisation des déchets. Une dimension d’autant plus importante que les Ivoiriens produisent en moyenne 0,64 kg de déchets par habitant par jour, soit bien davantage que dans le reste de l’Afrique subsaharienne où la moyenne s’élève à 0,46 kg par jour.
Au regard de la croissance de la quantité des déchets municipaux, qui devrait augmenter de 70 % d’ici à 2050, le modèle de l’économie circulaire apparaît comme une solution. La Côte d’Ivoire et l’Ouganda se penchent donc sur ce modèle, défini par le Parlement européen comme un mode de production et de consommation qui consiste à partager, louer, réutiliser, réparer, remettre à neuf et recycler le plus longtemps possible les matériaux et produits existants.
Une filière « traitement des déchets » à inventer
Depuis 1960, la politique de gestion des déchets mise en œuvre par les divers maîtres d’ouvrage n’a pas prévu une filière propre au traitement de déchets. Pendant une quarantaine d’années, les déchets étaient simplement acheminés vers un centre de transfert et des centres de groupage. Ces centres de groupage et de transfert ne sont pas de vrais centres de traitement de déchets. Ils permettent uniquement de regrouper ceux-ci en grande masse par zone géographique de production, avant de les acheminer vers leur lieu de décharge et/ou valorisation.
Si la forte croissance de la population (de 3,6 en 1960 à 27 millions en 2021) et l’urbanisation rapide de la Côte d’Ivoire ont engendré une hausse conséquente de la production, celle-ci n’a pas été suivie d’une progression des quantités collectées. Sur les 280 tonnes de déchets plastiques produites chaque jour à Abidjan, seuls 5 % sont recyclées.
Le reste est destiné en général aux décharges situées dans les quartiers pauvres. Forte source de pollution, ces déchets aggravent les problèmes liés à l’assainissement. À noter que la mauvaise gestion des déchets est à l’origine de 60 % des cas de paludisme, de diarrhée et de pneumonie chez les enfants.
Des avancées légales
Outre les déchets organiques des ménages, les déchets automobiles ne cessent d’augmenter. L’importation incontrôlée de véhicules d’occasion et leur utilisation constituent engendrent une pollution et une production de déchets conséquentes. D’autant plus que la vente des véhicules d’occasion est une spécialité des villes portuaires ouest-africaines (Côte d’Ivoire, Bénin, Togo).
Une récente réglementation mise en place par les autorités ivoiriennes sur la limitation de l’âge des véhicules d’occasion vise justement à réduire cet impact de pollution.
De même, l’introduction d’une redevance sur les importations de produits électriques et électroniques neufs ou de seconde main en état de marche suivant le « principe pollueur-payeur » et le « principe de la responsabilité étendue du producteur » constituerait une avancée pour la réduction des déchets.
Un potentiel important
Les possibilités concrètes en matière d’économie circulaire sont nombreuses.
Les déchets organiques produits par les ménages et les fermes agricoles peuvent par exemple servir à produire de l’énergie grâce à la production de biogaz issu de la méthanisation. Le digestat venu de la fermentation des déchets organiques peut être utilisé comme fertilisant pour l’agriculture. Avec un potentiel considérable, puisque le secteur agricole est un pilier de l’économie ivoirienne, qui occupe plus de la moitié de la population active.
Les déchets plastiques peuvent être transformés en granulés et réutilisés comme matière première secondaire. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), à travers un programme d’éducation des jeunes enfants, a ainsi utilisé les déchets plastiques pour fabriquer des briques qui ont servi à construire des salles de classe.
Plus globalement, la structuration d’une économie circulaire en Côte d’Ivoire peut aussi s’appuyer sur les nombreuses initiatives existantes de façon informelle. Car la récupération et la réutilisation des déchets en Afrique n’a pas attendu qu’émerge et se popularise le concept d’économie circulaire. La conscience de la ressource qu’ils renferment est présente depuis bien longtemps.
D’elle-même, la population ivoirienne développe en effet déjà des activités génératrices de revenus qui obéissent à la règle des 4 R (réduire, réemployer, réutiliser, recycler).
Les collecteurs, une économie circulaire informelle
À travers la collecte de déchets notamment, pour laquelle les récupérateurs se sont progressivement organisés en groupement de façon informelle. Ils collectent et revendent ainsi certaines catégories de déchets (carton, fer, bouteilles, verre…) dotés d’un fort intérêt économique pour les artisans, les commerçants (grossistes et détaillants), les sociétés industrielles et commerciales installés dans les marchés et dans les zones industrielles de la Côte d’Ivoire.
Comme l’entreprise sociale Coliba, engagée dans la transformation des déchets plastiques, qui a monté un centre de formation permettant d’intégrer 6 000 collecteurs de déchets informels dans la chaîne de valeur. L’entreprise prévoit ainsi créer environ 500 emplois directs et indirects à temps plein dont 70 % de ces postes seront occupés par des femmes. À noter que la collecte et la vente des déchets sont déjà réalisées à 80 % par des femmes en Afrique.
Les prix moyens de vente du kilo des déchets récupérés (les plastiques, les papiers, les cartons, les textiles, les métaux ferreux et non ferreux et les verres) sur le marché étant compris entre 0,09 et 0,27 euro, le potentiel économique des déchets est estimé à près de 48,5 millions d’euros.
Un secteur des déchets à structurer
À la principale décharge d’Abidjan, le nombre de travailleurs dans le tri était estimé à 5 000 personnes en 2010 et ne cesse d’augmenter.
Au regard du contexte, l’économie circulaire peut contribuer à améliorer la gestion des déchets en Côte d’Ivoire tout en luttant contre la pauvreté en créant un modèle générateur de nombreux emplois.
Mais une structuration du secteur des déchets est nécessaire pour permettre une meilleure organisation des personnes ou des réseaux concernés, la gestion étant en majorité informelle.
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