Auteurs : Jean-Marc Segoun et Detto Marius Zigbe
Organisation affiliée : Thinking Africa
Type de publication : Note d’analyse
Date de publication : Octobre 2017
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Introduction
La RSS (Réforme du système de la sécurité) s’est imposée comme une urgence institutionnelle de reconstruction post-crise pour la Côte d’Ivoire fragilisée par le conflit armé et la crise post-électorale de 2011. Elle est d’une importance indéniable puisqu’elle conditionne l’instauration, le maintien, la consolidation de la paix et le développement durable qui permettent aux populations de se sentir en sécurité et d’avoir confiance dans les institutions étatiques. Elle crée un nouveau contrat social de citoyenneté dont les piliers sont la confiance et la collaboration entre acteurs sociaux et les politiques, entre acteurs sociaux et les forces de défense de sécurité.
Depuis le début de l’année 2017, une série d’attaques armées a ciblé des postes de police et de gendarmerie dans les localités de Bingerville, Cocody, Azaguié, Fresco, N’Dotré, Adzopé et Songon. Et depuis le 6 août 2017, des évasions de prisonniers sont survenues dans les maisons d’arrêt et de correction de Gagnoa, Aboisso et Katiola ainsi qu’au Palais de Justice d’Abidjan-Plateau. Ajouté à cela le phénomène des enfants en conflits avec la loi «Microbes », un élément d’analyse de la situation sécuritaire de la Côte d’Ivoire.
Les défis sécuritaires et les réformes institutionnelles
Les exigences de la RSS
La RSS, un processus qui se fonde sur une volonté politique des autorités du pays La RSS peut participer à la prévention d’une crise politique, à la reconstruction ou à la consolidation d’un État. Elle implique des réformes structurelles sur le long terme pour stabiliser durablement un pays. Vouloir mettre en œuvre une RSS implique nécessairement avec l’aptitude à s’engager dans un processus approfondi de définition de son environnement de sécurité.
La RSS (Réforme du système de la sécurité) s’est imposée comme une urgence institutionnelle de reconstruction post-crise pour la Côte d’Ivoire fragilisée par le conflit armé et la crise post-électorale de 2011. Elle est d’une importance indéniable puisqu’elle conditionne l’instauration, le maintien, la consolidation de la paix et le développement durable qui permettent aux populations de se sentir en sécurité et d’avoir confiance dans les institutions étatiques
La réforme par essence politique, qui modifie l’équilibre des forces locales voire régionales, légitimes ou illégitimes, la RSS peut avoir un impact déstabilisateur. Elle requiert de ce fait non seulement un diagnostic préalable, rigoureux et complet, mais aussi le suivi permanent et la facilitation du dialogue politique national indispensable à sa mise en œuvre.
La RSS, gage de l’amélioration de l’efficacité et de la lisibilité des actions de coopérations des conditions menées par les acteurs bilatéraux et multilatéraux.
La mise en place d’un processus de RSS nécessite une adaptation des modalités de la coopération en matière de sécurité. Elle implique le dépassement de l’approche sectorielle (armée, police, justice) des questions de réforme de sécurité pour développer une approche coordonnée et systémique, sur le long terme, tenant compte notamment des multiples interactions qui existent entre les différents acteurs de la sécurité. Cet objectif ne peut être atteint que par la mise en œuvre d’une approche globale et coordonnée de la part de tous les partenaires
Enfin, tout processus de RSS doit tenir compte de l’environnement sécuritaire du pays concerné. Dans certains pays en sortie de crise, le processus de Désarmement Démobilisation et Réintégration (DDR) est lancé conjointement avec la RSS.
La RSS, gage de l’amélioration de l’efficacité et de la lisibilité des actions de coopérations des conditions menées par les acteurs bilatéraux et multilatéraux
C’est ainsi, qu’en 2012, la RSS et le DDR ont été lancés ensemble en Côte d’Ivoire. Étant donné qu’un processus de RSS doit tenir compte des efforts entrepris pour lutter contre les trafics illicites, en Côte d’Ivoire, la Commission Nationale de lutte contre la Prolifération et la Circulation illicite des Armes Légères et de Petit Calibre (Com Nat-ALPC) a été créé par décret n° 2009-154 du 30 avril 2009, conformément aux recommandations de la Convention de la CEDEAO sur les Armes Légères et de Petit Calibre (ALPC).
Les points saillants de la RSS
Sur le terrain et en application de la décision du CNS de démanteler tous les réseaux de détention illégale d’armes, le mardi 26 septembre 2017, le Centre des Opérations de l’État-major général des armées de Côte d’Ivoire a saisi dans la commune d’Attecoubé à Abidjan des équipements appartenant à un groupe dénommé Groupement Guerriers pour la Dignité et la Justice en Côte d’Ivoire.
La stratégie nationale pour la Réforme du Secteur de la Sécurité
En Côte d’Ivoire, les six (6) piliers stratégiques retenus pour l’établissement de cette stratégie nationale axée sur cent huit (108) réformes sont les suivants:
- la Sécurité Nationale,
- la Reconstruction Post-crise,
- l’État de droit et Relations Internationales,
- le Contrôle Démocratique,
- la Gouvernance Économique,
- les Dimensions Humaine et Sociale.
Genre et Sécurité Humaine
En Côte d’Ivoire, cette dimension de la RSS est toute suite privilégiée. Ainsi, la sécurité humaine est au cœur de la RSS, ce qui a des conséquences concrètes comme l’élargissement du champ d’action du CNS ou l’intégration de la question du genre. Une des réformes à mettre en œuvre porte aussi sur le genre : «développer une politique énergique de promotion du genre basée sur la participation et la responsabilisation effectives du personnel féminin au sein des institutions chargées de la sécurité et de la défense».
Les enjeux de la RSS et le processus de consolidation de la paix
Les autorités ivoiriennes et l’ensemble des ivoiriens auront compris que la stabilité politique et le développement économique de tout pays passent par un système de sécurité efficace et légitime aux yeux de la population. La volonté politique, les actions de démantèlement des réseaux de détention illégale d’équipements militaires, le développement humain, la lutte contre la corruption et la mise en œuvre de la stratégie nationale de sécurité en général visent à rétablir ou à renforcer cette efficacité et cette légitimité.
La RSS d’un pays est essentielle après un conflit. Il est en effet indispensable, en pareilles situations, de redonner aux populations le sentiment de pouvoir vivre sans crainte dans la sécurité et de rétablir un climat de confiance entre l’État et les citoyens, faute de quoi une paix et un développement durables seront impossibles.
La sécurité de l’état et des institutions
La souveraineté territoriale et la sécurité nationale
Le réel défi consiste donc à rétablir l’État comme institution suprême et ensuite réaffirmer sa légitimité par le respect de ses obligations et celui des droits et devoirs de la personne humaine. Cette souveraineté nationale post-crise doit être rétablie puisqu’elle n’est pas un acquis. Cette dernière a une dimension économique.
Elle réside dans la capacité de l’État à imposer et à appréhender une régulation de l’économie de la guerre ayant permis l’ascension sociale d’une minorité d’acteurs civils ou militaires qui voient dans la longévité de la guerre une structure d’opportunité économique et politique.
Les impacts de l’accès à une justice impartiale sur la RSS
Selon le rapport des Organisations de la Société Civile (OSC), l’impunité continue de gangrener la société ivoirienne. Elle se manifeste par l’injustice à l’encontre les victimes de la crise post-électorale.
Selon le rapport: «Il … convient de souligner que les premiers actes posés sont encourageants, et à même de rétablir la confiance de la population ivoirienne en la justice, force est de constater que, faute de réelle volonté politique de lutter contre l’impunité de tous les crimes perpétrés, le processus en cours ressemble à ce jour à une justice des vainqueurs, peu enclin à comporter toutes les garanties de non répétition des crimes inhérente à tout processus de justice, ainsi qu’à garantir à toutes les victimes ivoiriennes le respect de leur droit à la justice, à la vérité et à réparation».
Le système judiciaire en Côte d’Ivoire, à savoir les secteurs de la justice et du système carcéral, est partie intégrante du système de sécurité et doit faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre la RSS. En effet, la réforme du système judiciaire doit remplir trois (3) conditions essentielles: rendre la justice accessible à tous, rendre la justice plus impartiale et rendre la justice plus efficace.
La justice étant le pilier central de l’État de droit, son effectivité dans une société sortie de conflit nécessite une réforme du secteur et un renforcement des institutions juridiques. Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) sur «LES INSTRUMENTS DE L’ÉTAT DE DROIT DANS LES SOCIÉTÉS SORTANT D’UN CONFLIT: Cartographie du secteur de la justice» met l’accent sur le rôle de l’État dans la construction d’un État de droit dans une situation post-conflit: «La réforme de l’état de droit exige un soutien politique. Le fait de veiller à ce que le grand public comprenne la nature des réformes renforce l’idée selon laquelle la réforme de l‘État de droit a une dimension politique».
La construction de l’État de droit nécessite une implication forte des institutions locales de base. Les efforts de maintien de la paix auront un sens que si l’État de droit est une réalité.
Conclusion
La RSS ivoirienne tend à se distinguer de plus en plus par la prise en compte du concept de Genre avec la promotion du genre dans tous les corps de l’armée ivoirienne et de celui de sécurité humaine qui englobe les droits de l’homme, la bonne gouvernance, le contrôle démocratique, l’accès à l’éducation pour tous, le droit à la santé, l’amélioration du cadre de vie des citoyens ainsi que la possibilité pour chaque individu de faire des choix et de saisir les opportunités qui lui permettront de réaliser son potentiel.
La sécurité étant perçue ici d’un point de vue holistique, de nombreux défis restent à relever, au regard des séquelles qu’a laissées crise ivoirienne depuis le coup d’État de 1999.
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